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28 août - La Minute Historique

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Message  Bianca Mar 28 Aoû - 12:41


Le 16 août 1951, une hystérie collective frappe Pont-Saint-Esprit, petit village paisible du Gard. L'affaire connaît un retentissement exceptionnel. Tout commence par une mystérieuse intoxication alimentaire collective. Les salles d'attente des deux médecins, Vieu et Gabbai, ne désemplissent pas. Près d'une vingtaine de malades viennent consulter pour des problèmes digestifs : nausées, vomissements, frissons, bouffées de chaleur. Les jours suivants, les symptômes s'aggravent et mutent en crises hallucinatoires insupportables. Les comptes rendus de l'époque décrivent la petite bourgade comme un enfer dantesque. Transportés à l'hôpital sur des charrettes ou des voitures, les malades hurlent, gémissent et s'insultent. D'autres, la bave aux lèvres, terrorisés par le bruit des sirènes des ambulances, déambulent dans les rues. Bêtes immondes, chimères et flashes colorés peuplent leurs délires, lorsque ce ne sont pas les flammes ou des voix d'outre-tombe.

La nuit du 24 août, qui sera décrite par Gabbai comme la "nuit d'apocalypse", le cauchemar atteint son comble. Un homme se prend pour un avion et saute du deuxième étage. Un autre s'imagine avoir mangé des serpents. Un gamin de 11 ans tente d'étrangler sa mère. Les manifestations psychiques vont encore durer quelque mois, pour ne disparaître que fin octobre. Bilan : plus d'une dizaine de morts, plusieurs centaines de malades, dont une soixantaine furent internés dans des hôpitaux psychiatriques.

Cette tragédie marquera profondément la population, notamment parce que le pain, une denrée de première nécessité et symbolique, en est la cause. Des experts du monde entier vont alors tenter de percer le mystère de ce qui devient "l'affaire du pain maudit". Tous ceux qui sont tombés malades avaient ingéré du pain, vendu par la boulangerie Briand. Très rapidement, faute de connaître le nom du mal, les rumeurs les plus folles vont circuler sur les présumés responsables. Un journal, cité par l'historien Steven Kaplan, observe : "On accuse le boulanger (ancien candidat RPF, protégé d'un conseiller général gaulliste), son mitron, puis l'eau des fontaines, puis les modernes machines à battre, les puissances étrangères, la guerre bactériologique, le diable, la SNCF, le pape, Staline, l'Église, les nationalisations." Les Spiripontains applaudissent l'arrestation d'un meunier poitevin, fournisseur de la farine employée à Pont-Saint-Esprit, incarcéré à Nîmes, avant de s'élever contre sa libération.

Pour expliquer le syndrome, on parle de pain infecté par l'ergot, sans pour autant parvenir à une certitude scientifique. La fréquence des symptômes mentaux délirants rappelle une maladie oubliée : "le mal des ardents" médiéval, appelé aussi "feu de Saint-Antoine", et causé par l'ingestion d'un champignon parasite, l'ergot de seigle. À partir du Xe siècle, l'ergotisme causa la mort de populations entières, dans d'horribles souffrances. De nombreuses furent brûlées ou exécutées, car considérées comme démoniaques et maléfiques.

Cette "peste des extrémités" provoquait des troubles hallucinatoires accompagnés de délires et de convulsions. Dans les cas graves, certains alcaloïdes de l'ergot diminuaient ou bloquaient l'irrigation sanguine, provoquant de terribles gangrènes. Le corps se desséchait et les extrémités devenues noires se détachaient. Mais ce n'est qu'en 1777 que l'origine de ce fléau est identifiée grâce aux travaux de l'abbé Tessier qui montra que l'administration de poudre d'ergot à des canards produisait les symptômes. En 1918, le laboratoire Sandoz synthétise le poison et met au point l'ergotamine, un médicament hypertenseur. En Europe, la dernière épidémie se produit en Russie en 1926.

Pourtant, malgré les similitudes, l'ergotisme ne suffit pas à expliquer tous les symptômes cliniques. Le médecin du bourg, le docteur Gabbai, en est convaincu et fait appel au professeur Giraud de la faculté de médecine de Montpellier. Ce dernier fait vite le rapprochement avec les recherches que mènent, en Suisse, à la même époque, dans les laboratoires Sandoz (Novartis depuis 1996), Albert Hofmann, l'inventeur en 1938 du LSD, un dérivé synthétique de l'ergot. Il n'en découvrira cependant les effets hallucinatoires qu'en 1943, en avalant accidentellement une faible dose de produit.

Un procès a bien lieu à Pont-Saint-Esprit mais l'histoire ne connaîtra pas de conclusion judiciaire. Le juge chargé de l'affaire évoque la piste d'une contamination criminelle par une forme de "d'ergotine synthétique très nocive". On fait venir Hofmann au village, lequel entérine la piste de l'ergot, ou d'un alcaloïde proche du LSD. Mais de retour à Bâle, bizarrement, il se rétracte, arguant que les délires des Spiripontains diffèrent des "hallus" provoqués par le LSD, laissant ainsi libre le champ des interprétations.

D'autres pistes que l'ergot de seigle sont explorées, en vain, comme les fongicides ou une contamination de l'eau. En 2008, Steven Kaplan sort un ouvrage remarquable (1) sur la France des miches et des boulangeries des années 1945-1958. Outre l'hypothèse des mycotoxines, le pape de la baguette retient celle d'un blanchiment artificiel du pain. Après des années d'enquêtes, aucune des pistes suivies n'apporte d'explications définitives. En 2010, un téléfilm, Le pain du diable, inspiré du travail de Kaplan, est diffusé sur France 3.

Mais de nouvelles révélations vont faire voler en éclats la thèse de l'ergot. Un journaliste américain, Hank Albarelli, prétend avoir percé le mystère. Le village aurait été aspergé de LSD par la CIA. C'est en enquêtant sur la mort suspecte de Frank Olson, biochimiste de la division spéciale de l'US Army, qu'Albarelli se retrouve sur la piste de Pont-Saint-Esprit. Selon la version officielle, il se serait défenestré en 1953, au cours d'une crise de paranoïa aigüe, une semaine après avoir pris du LSD.


Opération MK/Naomi

En pleine guerre froide, la CIA a mené beaucoup d'opérations secrètes aux appellations multiples (Bluebird, Artichoke, MK-Ultra....) visant à mettre au point des outils de manipulation mentale. Des expérimentations réalisées avec des substances psychotropes ont été pratiquées sur des sujets humains avec ou sans leur consentement, voire des enfants, En 1975, une commission d'enquête révéla les abus de la CIA.

Bien que mal connues, les recherches d'Olson portent sur la mise au point d'armes biologiques et de techniques d'interrogatoires via l'usage de drogues. Au cours de son enquête, Albarelli obtient divers documents déclassifiés. L'un deux mentionne "l'incident de Pont-Saint-Esprit" dans une conversation entre un ancien de la CIA qui a côtoyé Olson et le représentant américain du laboratoire Sandoz, fournisseur de LSD pour la CIA. Le responsable du laboratoire explique à son interlocuteur "qu'il ne s'agit pas d'ergot" mais d'un composé de type diethylamide (un composant du LSD). Pour Albarelli, l'opération du Gard s'appelait "MK/Naomi" et aurait consisté, après une pulvérisation aérienne sans effets, à faire ingérer le LSD aux habitants, peut-être via le pain. En 1973, la CIA détruisit les archives de ses expériences. Sans fournir de preuves probantes, Albarelli établit de multiples connexions entre la CIA et le village. Son livre entretient le suspense et soulève d'autres questions.

Pourquoi cibler le Gard ?

À l'époque, le village est connu outre-Atlantique. Le dernier ancêtre de Jackie Kennedy, un ébéniste, en est originaire. Mais rien ne relie cette information aux coups tordus de la CIA. Cela dit, les Américains ont montré qu'ils pouvaient effectuer leurs expérimentations sur leur territoire. Une autre piste n'a pas été suffisamment explorée, estime Steven Kaplan : celle du laboratoire américain. Lors de l'enquête, l'agence United Press avait envoyé des échantillons de pain ergoté à un mystérieux laboratoire. Celui-ci en avait fait absorber à diverses doses à des volontaires. "Mais aucun n'a eu les symptômes des malades de Pont-Saint-Esprit", avait rapporté l'agence. Si ce n'est ni l'ergot, ni le LSD, de quoi s'agit-il ? Le mystère reste ent
ier.
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