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1er septembre - la minute historique

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Message  Bianca Sam 1 Sep - 13:45


Juin 1846. Victor Hugo plaide pour sauver la tête du forestier régicide. C'est sans compter le bourreau homo.

Mon Dieu, quelle histoire ! Un pair de France veut empêcher un bourreau homosexuel et escroc de guillotiner un forestier ayant tiré sur un roi bourgeois. C'est du Shakespeare, pire, du Haneke... Tout commence le 16 avril 1846, quand le garde forestier en chef du domaine de Fontainebleau Pierre Lecomte tire deux cartouches en direction de Louis-Philippe. Il dispose d'un motif solide : le roi n'a pas répondu à son courrier dans lequel il se plaint de ne pas avoir droit à une retraite. Ni le souverain ni son entourage ne sont blessés, pourtant Pierre Lecomte est poursuivi, arrêté et enfermé. Comme il s'agit d'un régicide, c'est à la Cour des pairs de juger notre malheureux forestier.


Depuis l'année précédente, Victor Hugo siège dans cette noble assemblée ; aussi, le 5 juin 1846, est-il amené à prendre la parole à la tribune. Depuis que, enfant, il a assisté de près à une exécution en Espagne où son général de père était en poste sous Napoléon, il a une sainte horreur de la peine de mort. Il s'adresse à ses pairs avec la fougue qu'on lui connaît. Il s'emballe. Il fait de grands gestes. Il est émouvant. Il plaide la folie.

"Le crime le plus grand, le motif le plus futile"

"Rien n'a arrêté ce misérable. Maintenant, examinons le motif, le voici : une retenue de vingt francs sur une gratification annuelle, une démission acceptée, trois lettres restées sans réponse. Comment ne pas être frappé d'un tel rapprochement et d'un tel abîme ! Je le répète en terminant, en présence de ces deux extrêmes, le crime le plus grand, le motif le plus futile, il est évident pour moi que la raison manque, que la pensée qui a fait un tel rapprochement et franchi un tel abîme n'est pas une pensée lucide, et que ce coupable, cet assassin, cet homme sauvage et solitaire, cet être effaré et féroce, est un fou. Ce n'est pas un fou pour un médecin peut-être, c'est un fou à coup sûr pour un moraliste. J'ajoute que la politique est ici d'accord avec la justice et qu'il est toujours bon de retirer la raison humaine d'un crime qui révolte la nature et qui ébranle la société. Je persiste dans mon vote : la détention perpétuelle."

Sa grandiloquence n'a convaincu que deux de ses pairs. La grande majorité de la cour vote la peine de mort. Lecomte est bon pour la guillotine. Après l'exécution, ces faux-culs de pairs prétendront avoir pris ce verdict sévère pour que le roi puisse montrer sa clémence en graciant Lecomte. Mauvais calcul. Les attentats se succédant contre lui, Louis-Philippe refuse la grâce (qu'il avait déjà octroyée dans le passé), manière d'effrayer de futurs assassins. Pierre Lecomte est donc guillotiné le 8 juin par le bourreau Henri-Clément Sanson. L'histoire ne s'arrête pas là. Quelques heures après avoir exercé son triste office, Sanson est conduit en prison. Non pas qu'il ait saboté son boulot, mais parce que le bonhomme est une sacrée canaille dans le civil.


Guillotine en gage

Quand il ne coupe pas des têtes, il tue le temps dans des tripots et dans des alcôves avec des gigolos qu'il couvre de cadeaux. Par la même occasion, lui-même se couvre de dettes qu'il est incapable d'honorer. Or, à cette époque, les débiteurs insolvables sont emprisonnés. Pas dans un cul-de-basse-fosse, mais à la prison de Clichy, un établissement de luxe : pas de cellules, mais des chambres agréables, promenades, visites nombreuses, bonne bouffe. Déjà, bien avant l'exécution de Lecomte, les recors (c'est le nom des agents chargés d'arrêter les endettés récalcitrants) suivent le bourreau à la trace. Mais c'est qu'il est difficile à pincer le rusé, car il connaît le règlement imposant les arrestations à Paris intra-muros et uniquement de 6 heures du matin à 6 heures du soir. Chaque matin, à l'aube, Sanson fait donc attention à quitter bordels et tripots pour rejoindre les faubourgs.


Le 8 juin pour exercer son office, Sanson doit forcément se rendre à Paris en plein jour. Les recors n'interviennent pas immédiatement. Ils le laissent prendre réception de son client, le couper en deux morceaux inégaux, puis convoyer ceux-ci jusqu'au cimetière de Clamart. Ils l'arrêtent quand il revient à son domicile parisien pour entreposer la guillotine. Après quelques jours passés à l'ombre, Sanson a une idée formidable pour se tirer d'affaire : il propose à son principal créancier de prendre en gage la guillotine, qui lui appartient, jusqu'au remboursement de sa dette de 3 800 francs. Opération conclue, Sanson peut sortir de prison. Mais il ne rembourse toujours pas. Aussi, le 17 mars 1847, quand le ministère convoque le bonhomme pour une nouvelle exécution, il n'a toujours pas récupéré son tranchoir.

Affolé, il court chez son créancier qui refuse de rendre la guillotine tant qu'il ne sera pas payé. Sanson perd la tête de désespoir. Il n'a pas d'autre issue que d'avouer la vérité au ministère de la Justice. Voilà, le ministre est obligé de rembourser le créancier pour que le condamné à mort soit exécuté le 18 mars. Le lendemain, Henri-Clément Sanson est licencié. Sans espoir de trouver un job comparable dans le privé. Et sans retraite.
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